Le hamac

Qu’on soit égaré dans le passé à cause d’un profond sentiment de mélancolie ou qu’on soit angoissé par un futur incertain et incontrôlable, c’est un état qui nous habite de nuit comme de jour, c’est quelque chose qui nous colle à la peau et qui devient facilement un ancrage. 

Le mal être qui occupe mon corps se manifeste parfois par une douleur abdominale et parfois par un tiraillement dans le bas du dos, mais le plus souvent, je le porte sur mes épaules, comme une lourde et étouffante cotte de mailles qui m’empêche de penser à autre chose qu’à sa présence. 

Mais, lors d’un séjour dans un minuscule village de pêcheurs au bout du monde, j’ai vécu l’improbable, un moment de pure pleine conscience.  


Marchant nue pied sur les dalles de béton de la cour intérieure, j’ai ressenti d’agréables rayons de soleil sur ma peau - J’ai pu y prêter attention en détail, sans être dissipée par la cotte de mailles.  Puis, sous l’effet de la chaleur et d’une légère brise, j’ai été tout naturellement attirée par le hamac qui se tenait devant moi. Je me suis laissé convaincre par son aspect reposant, qui était beaucoup plus séduisant que la corvée de lavage, à la main, qui m’attendait après 6 jours de randonnées dans les montagnes verdoyantes du Cap-Vert. 



Mon ventre était serein - je n’avais aucun bouillonnement auquel m’accrocher. Même chose du côté du dos, un agréable relâchement s’était propagé. Il ne restait plus que la cotte de mailles. Mais, rien, aucune lourdeur, que de la légèreté et de l’air qui entre et qui sort, sans obstruction. Pour une des rares fois dans mon existence, je respirais librement - je pouvais ressentir mes omoplates se déployer comme des ailes et mes épaules se dégager comme jamais auparavant. Je prenais de l’espace et j’occupais enfin pleinement ma place sur cette terre. 

Puis alors, j’ai eu peur, j’étais déséquilibrée par tant de vastitude et de possibilité - le monde était grand et vaste. 

Et, juste au bon moment, le hamac a manifesté sa présence, par un simple va-et-vient, et j’ai compris qu’il était là pour me soutenir et m’accompagner dans ce déferlement de tangibilité. 


Par un simple balancement, le hamac m’a donné la possibilité de vivre le moment présent. J’ai pu voir, entendre et ressentir mon environnement, sans jamais me perdre dans mes pensées. J’étais présente pour tout ce qui est vivant et palpable, et ce grâce à une douce et rassurante berceuse dirigée par le seul et uniquement mouvement du vent. 


Peu de temps après, j’ai ressenti un chatouillement dans le bas du dos, des vrombissements dans le ventre et une lourdeur croissante sur les épaules – Rien est permanent, tout est mouvement.  

  



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